La mémoire du futur pour mobiliser vos équipes et augmenter les chances de succès de votre projet

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Carnet de route : la mémoire du futur

Fidèles à notre série « Carnet de route », nous partageons avec vous nos retours d’expériences sur des cas concrets. Nous abordons dans ce billet la mémoire du futur, une approche que nous déployons dans le cadre de la mobilisation des équipes pour une transformation.

Qui n’a pas ressenti les flottements lors du lancement d’un nouveau projet d’entreprise, ou pire une force d’inertie s’installer au sein des équipes à l’annonce du nouveau « plan stratégique », ou le lancement de projets du type « réorganisation pour optimiser les modes de fonctionnement », « impulser plus d’innovation dans l’entreprise », « déployer une nouvelle stratégie produit », « déployer du product-market fit »… avec des collaborateurs se demandant finalement ce que l’on attend d’eux.

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Qui n’a pas ressenti des flottements lors du lancement d’un nouveau projet d’entreprise ?

Aligner les compréhensions pour développer une  vision commune du projet

Je me souviens d’avoir interrogé collectivement un groupe de managers intermédiaires, « ambassadeurs du changement » qui faisaient tous partie de la cellule change mise en place par leur entreprise. Après la présentation de la nouvelle stratégie « orientée client » souhaitée par l’actionnaire majoritaire, les 5 valeurs pilier énoncées avec fierté, j’ai été curieuse d’en savoir davantage sur la façon dont ce changement était concrètement mis en œuvre dans leurs équipes de rattachement.

Au fur et à mesure que chacun prenait la parole, ils découvraient avec étonnement, et un peu de gêne il faut le dire, la variété des interprétations du support Power Point et le décalage entre les actions menées (ou pas) dans les équipes.

Cet exemple est pour nous symptomatique d’un besoin de partage, d’appropriation et de projection qui va bien au-delà de la clarification et de l’explication des choix effectués par les décideurs. Dans ce cas, la mémoire du futur peut-être d’un grand secours.

Mais en quoi ces deux termes en apparence contradictoires peuvent aider les entreprises à aborder les changements de façon plus sereine et efficace ? Comment se souvenir de ce qui n’est pas encore advenu ? Et pour quoi faire ?

La mémoire du futur : un concept issu du champs des neurosciences

L’expression « mémoire du futur », est empruntée au champs des neurosciences. Elle s’est construite sur la base de cette hypothèse : la mémoire se serait développée comme un outil de projection dans l’avenir. Ce que nous projetons dans l’avenir mobilise des zones du cerveaux similaires à celles des souvenirs. (1)

Notre histoire, notre éducation et notre expérience forgent nos réflexes. C’est une question de survie. Ces réflexes sont sous-tendus par nos croyances. Ce sont elles qui guident nos décisions face à l’incertitude et au futur. Le passé, le présent et le futur sont imbriqués.

Dans la démarche d’accompagnement que nous proposons, il s’agit de permettre une cohérence entre le passé, le présent et le futur.

Concrètement, comment mobiliser ces notions dans l’accompagnement individuel, d’équipe et d’entreprise ?

PRENDRE LE  TEMPS DE SE PROJETER DANS UN FUTUR Désiré

L’exercice peut être réalisé à plusieurs échelles : par le dirigeant, le CODIR, et poursuivi par la suite dans les équipes. Prenons ici le cas d’un CODIR. C’est l’occasion d’échanges pour prendre de la hauteur face aux urgences quotidiennes pour percevoir un horizon plus lointain. Pour constituer collectivement cette « mémoire du futur », nous procédons en plusieurs temps :

  • Il s’agit tout d’abord de s’inscrire sur la ligne du temps entre passé, présent et futur. La première étape consiste en un rappel des fondamentaux culturels et de l’histoire qui peut être brève. C’est un rappel qui vise prendre conscience que nos réflexes professionnels sont liés à l’histoire de l’entreprise, qu’ils ont été transmis. Cette remise en contexte permet de passer d’une stratégie de survie à une stratégie de vie en décidant de façon plus éclairée la forme que l’on souhaite donner au futur.
  • Il s’agit ensuite de se projeter collectivement dans un futur idéal, désirable. De le décrire, de le dessiner, de le formaliser d’une façon ou d’une autre. C’est une invitation à un voyage temporel. J’aime à cette étape passer par des supports visuels tels que le dessin. D’autres approches sont possibles pour formaliser les aspirations. Cela peut aussi passer par l’écrit, le récit, les story cubes (dès sur lesquels sont dessinés des symboles) ou tout autre support qui invite à la créativité et à l’itération.
  • Ce qui est projeté se construit à partir de la mémoire collective, et peut être enrichi par des éléments de contexte, comme la nécessité de trouver de nouveaux modes de fonctionnement dans un environnement contraint (abandonner une partie historique de l’activité au profit d’une autre, développer de nouveaux produits plus rentables sous la pression de l’actionnaire, …).
  • L’exercice permet de se projeter collectivement, puis à « faire comme si » on avait atteint le futur désiré, de le décrire. Dans cette phase, les différents sens sont sollicités. Ils permettent d’amplifier l’ancrage dans la situation désirée.
  • Il est ensuite possible pour les participants de se retourner pour « voir », « se souvenir » de tout ce qui a permis d’atteindre ce but, de « voir » les obstacles qui ont été dépassés et comment ils l’ont été. Chacun est invité à visualiser la façon dont il a contribué au succès du projet.
  • La projection dans la mémoire du futur permet également de visualiser un but commun, d’exprimer ce qui est advenu et d’en tirer des indicateurs de succès du projet, fils rouges utiles à la progression vers le but commun / partagé.
  • Quand je sais où je veux aller, je valide que je peux utiliser mes ressources à bon escient. Mobiliser ce que j’ai fait par le passé pour construire le futur et identifier les compétences et talents à développer pour atteindre le but partagé.
  • Peut se poser la question des réflexes qui ont été utiles jusqu’à présent et qui ne le sont plus forcément. Que décidons-nous de garder et qui fait notre force, que décidons-nous de faire évoluer ou de changer pour nous projeter dans l’avenir ?

Cette mémoire du futur, idéal projeté, n’est jamais totalement atteinte, elle est un peu comme une étoile du berger. Elle permet de créer un référentiel commun, une base de discussion et de négociation pour construire les étapes qui mènent vers ce but. La projection dans la mémoire du futur permet de sentir et de ressentir un futur idéal souhaité, d’activer des leviers motivationnels et d’activer les ressources du passé pour construire les étapes qui y mènent.

Cette technique est employée par certains sportifs de haut niveau qui répètent le geste et le visualisent mentalement avant de réaliser leur performance.

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Quand je sais où je veux aller, je valide que je peux utiliser mes ressources à bon escient.

En résumé

La mémoire du futur est un temps de partage essentiel. Si elle ne se substitue pas au plan d’action, à son suivi et au dialogue mis en place tout au long des projets, elle donne l’élan et la cohérence nécessaires à leur réussite !

 

(1) Je vous invite à ce sujet à écouter l’émission La tête au carré de France Inter dans laquelle prennent la parole Francis Eustache Neuropsychologue, et Bernard Stiegler Philosophe français. https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-tete-au-carre/la-memoire-du-futur-2786189

A propos des auteurs

Élodie Perreau

Consultante anthropologue, accompagnement des transformations. Docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Élodie accompagne des collectifs de travail en décryptant les leviers culturels à l’œuvre dans le changement.

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