Carnet de route : Choisir les indicateurs pour piloter sa transformation

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Carnet de route : choisir les indicateurs de sa transformation

Dans l’esprit de notre série « Carnet de route », nous partageons avec vous nos retours d’expérience d’accompagnement des transformations et nos conseils pratiques sur l’approche à adopter dans certaines situations.
Dans ce billet, nous verrons comment définir les indicateurs de votre transformation : un sujet délicat qui peut parfois être négligé lors du lancement d’un projet de transformation d’ampleur.

Pourquoi évoquer le sujet des indicateurs ? Parce que nous faisons un constat régulier lors de nos accompagnements : alors que les organisations se penchent volontiers sur le suivi des « indicateurs projet » (suivi des jalons du projet, mise en œuvre des solutions techniques, des solutions organisationnelles, suivi du budget, formations etc.), peu définissent des indicateurs cibles qui permettront de valider que la transformation a réussi d’un point de vue business, people, client, process…

Trouver le bon équilibre entre le « comment » et le « quoi »

La principale difficulté pour définir des indicateurs de transformation consiste à trouver le bon équilibre entre le « comment » (les indicateurs fonctionnels du projet) et le « quoi » (qui n’est pas que business) afin de :
1- S’assurer que l’on a bien répondu aux enjeux qui ont conduit à la genèse du projet de transformation,
2- Valider que le projet atteint ses objectifs,
3- Confirmer que les équipes se sont appropriées le changement.

Si cette démarche semble simple sur le papier, elle présente plusieurs défis pour les Directions car définir un indicateur de transformation :

– C’est avant tout être en mesure de se projeter à la fin du projet (dans 6, 12, 24 mois voire plus) … un exercice projectif qui peut s’avérer compliqué à mener quand les projets se multiplient et que les priorités s’accumulent.

– C’est s’accorder collectivement sur la nature même du projet de transformation et les intangibles associés au projet (= ce qui doit absolument être atteint), et donc définir un consensus au niveau de la Direction sur ces éléments.

– C’est ne pas se concentrer sur le seul pilotage technique du projet en oubliant les éléments essentiels de la transformation. Lors d’un récent projet avec une transformation marquée par un PSE d’ampleur, le pilotage s’est naturellement concentré sur le suivi des étapes juridiques et des jalons légaux du PSE au risque d’en oublier un des enjeux majeurs pour l’entreprise : conserver les talents et les compétences clés.

Globalement, définir des indicateurs de la transformation peut être considéré comme un premier jalon de l’appropriation du projet par l’équipe dirigeante (et l’équipe projet associée) grâce à un alignement des visions, une projection collective et une explicitation des éléments « invisibles ». Ces éléments forment les fondations du projet qui permettront de disposer d’un outil de supervision de la transformation, telle une tour de contrôle.

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Définir des indicateurs de la transformation peut être considéré comme un premier jalon de l’appropriation du projet par l’équipe dirigeante (et l’équipe projet associée)

Faire un pas de côté : changer de perspective pour comprendre les besoins des parties prenantes du projet

C’est un des enseignements de la sociodynamique : « Un projet ne meurt pas du fait de ses opposants mais d’un cruel manque d’alliés ».

Dans cette perspective il est important de définir des indicateurs qui intègrent une partie des attentes et des besoins des différentes parties prenantes du projet. Ce pas de côté vous permettra d’identifier des options alternatives en termes d’objectifs… et d’indicateurs. Au-delà des indicateurs, cette approche vous permettra de définir des stratégies de communication et d’implication bien plus pertinentes pour votre projet.

A cet effet, je vous conseille la lecture du passionnant ouvrage « Stratégie du projet latéral » (1).

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L’intégration des points de vue alternatifs -portés par les différents acteurs du projet- vous permettra d’affiner la définition de vos objectifs.. et vos indicateurs

Les différentes typologies d’indicateurs à considérer au lancement de votre projet de transformation

Les typologies d’indicateurs sont variées et nous vous en présentons quelques-unes. La palette des mesures possibles est large, aussi l’un des enjeux sera de sélectionner les plus pertinents… et leur priorisation est essentielle pour gagner en clarté et s’assurer que le projet de transformation se focalise sur les points clés.

I – LES INDICATEURS BUSINESS

Ils sont généralement définis et mis au premier plan. Ils permettent d’acter que la transformation a produit les effets désirés au niveau de l’activité de l’entreprise et de sa performance économique :

  • CA généré par le déploiement du projet
  • Rentabilité de l’activité
  • % croissance du segment d’activité concerné (en CA, acquisition clients…)
  • Progression de part de marché, position vis-à-vis des concurrents
  • Cible « time-to-market » (dans le cadre de développement de nouveaux produits)
  • Etc.

II- LES INDICATEURS PEOPLE

Parfois délaissés, ils n’en sont pas moins essentiels pour garantir le succès de votre transformation sur le terrain, car une transformation aussi préparée soit-elle ne fonctionne que si les hommes et les femmes qui font l’entreprise y adhérent et contribuent à son succès. Les indicateurs people peuvent être multiples :

  • L’appropriation du changement par les équipes et leur capacité à passer à l’action. Sur ce sujet spécifique, je vous invite à consulter notre billet publié il y a quelques mois « Suivez le pouls de votre transformation» (2)
  • Le taux d’adoption de la nouvelle solution
  • La satisfaction des collaborateurs à l’issue du changement souhaité
  • Le % d’attrition (turn-over) des collaborateurs
  • Le % de talents (ou compétences clés) conservés ou développés
  • Etc.

III – LES INDICATEURS PROCESS

Ces indicateurs permettront de définit notamment si la transformation a permis d’atteindre le niveau de performance souhaité, on peut évoquer des mesures telles que :

  • Volume d’activité
  • Niveaux de services atteint (qualité, coût, satisfaction client etc.)
  • % dossiers passant à travers un nouveau processus
  • % d’adoption du nouveau processus sur un périmètre donné
  • Etc.

IV – LES INDICATEURS CLIENTS & ECOSYSTEME

Ils vous permettront de valider les impacts observés sur votre clientèle, votre écosystème (partenaires, fournisseurs…) … plus globalement les acteurs « externes » en interaction avec l’Entreprise :

  • Satisfaction des clients vis-à-vis de la solution produite par le changement
  • % clients utilisant une nouvelle solution (promue par la transformation)
  • % churn (= perte des clients suite à la mise en place du changement)
  • Engagement des acteurs de l’écosystème dans la transformation
  • Etc.

V – LES MICROFORCES : UN ECLAIRAGE SOCIODYNAMIQUE

En complément des catégories ci-dessus, la Sociodynamique (3) peut enrichir votre vision des indicateurs de la transformation en s’appuyant sur les microforces de votre organisation. Une microforce est un élément de votre organisation qui donne de l’énergie et la met en mouvement : il peut s’agir de votre système de rémunération, de la manière de prendre des décisions, d’un mode d’action, d’outils techniques, de comportements…  L’entreprise est faite de microforces, si on les identifiait toutes chaque entreprise correspondrait à un nuage de microforces, comme autant de leviers sur lesquels agir. Un billet de blog est en préparation sur ce sujet.

 

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La palette des mesures possibles est large, aussi l’un des enjeux sera de sélectionner les plus pertinents, en nombre limité.

Comment définir votre bouquet d’indicateurs ?

INITIER UN EXERCICE PROJECTIF 

La définition des indicateurs de la transformation nécessite de se placer « au point d’arrivée » et de répondre à une question simple : « Lorsque nous aurons terminé le projet de transformation, comment saurons-nous que nous sommes arrivés à destination de manière concrète ? Comment vérifier que l’on aura bien fait le job ? ».

La réponse à cette simple question génère une réflexion essentielle pour aligner la vision du CODIR.

Lorsque nous la posons dans des contextes variés (réorganisation massive, extension d’un site industriel, refonte des modes de collaborations et des espaces) les réponses que nous avons entendues :

  • « Nous aurons conservé les talents »
  • « Le volume de production atteindra XX millions d’unités »
  • « Les personnes seront contentes de revenir au bureau »
  • « La transversalité sera renforcée »
  • Etc.

Des réponses qui pour certaines sont facilement transposées en indicateurs, pour d’autres la transposition est moins immédiate… car il manque parfois la mesure du point de départ.

NOTRE CONSEIL : faciliter l’échange des points de vue contradictoires & inciter les directions à se positionner sur le projet

Cette réflexion, au-delà de la définition des indicateurs, est souvent génératrice de valeurs pour les Directions : c’est une phase d’alignement des visions associées au changement et une opportunité pour chaque membre du CODIR (par exemple) de positionner ses attendus vis-à-vis de la transformation et comprendre comment chaque fonction peut être impactée par la transformation envisagée.

Concrètement, cet exercice projectif peut s’inscrire dans un mini-séminaire de Direction dédié, nous disposons d’une palette d’outils variés pour accompagner cet effort collectif.

Une de nos approches s’appuie sur ce que les neurosciences appellent la « mémoire du futur » présentée dans un billet précédent (4).

DES BENEFICES COLLATERAUX

La clarification et l’alignement associés constituent également une opportunité pour les Directions dans la communication qu’elles pourront faire sur le projet auprès des équipes. Même si cet exercice n’a pas été mené lors de la genèse du projet, il n’est jamais trop tard pour le faire

 

PORTER UNE ATTENTION PARTICULIERE A L’ENGAGEMENT DES EQUIPES

Nous l’avons évoqué plus haut : il est important de ne pas négliger les indicateurs propres à l’appréhension et l’appropriation du changement parmi les équipes sur le terrain. Pourquoi ? :

  • Parce que les COMEX et CODIR ne sont jamais à l’abri du fameux syndrome du « bus articulé »
  • Parce que l’engagement des équipes est un des (pour ne pas dire LE) facteurs clés de succès de la bonne réalisation d’une transformation.

Pour rappel, nous avons publié un billet complet sur ce sujet avec des illustrations chiffrées de la perte « en ligne » de l’engagement à travers les différentes strates hiérarchiques d’une organisation, je vous invite à le consulter (2).

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Définir les indicateurs de la transformation c’est répondre à une question simple : Lorsque nous aurons terminé le projet de transformation, comment vérifier que l’on aura bien fait le job ? 

Des indicateurs pour piloter… pas pour faire du reporting

Disposer de « bons » indicateurs, c’est bien. Piloter la transformation c’est mieux. Un écueil classique consiste à définir un tableau de bord de la transformation inutilisable. Une transformation comporte souvent des surprises et des éléments imprévus, il est important de disposer d’un tableau de bord adéquat qui permette d’accompagner les décisions et le pilotage du projet.

 1- JOUER SUR LA SIMPLICITE :  NOT ROCKET SCIENCE !

Votre tableau de bord de votre transformation ne doit pas prendre des airs de cockpit de navette spatiale. Facile à dire, mais on peut parfois être tenté de démultiplier les indicateurs au risque de diluer les plus critiques dans la masse. Limiter le nombre d’indicateurs est parfois difficile. C’est une nécessité pour en faire un outil compréhensible par l’ensemble des Directions et des parties prenantes.

 2- CHOISIR DES INDICATEURS « ACCESSIBLES » ET « REALISTES»

Si la séquence projective précédemment évoquée peut générer des indicateurs plus pertinents les uns que les autres, l’enjeu est de que l’on puisse les mesurer simplement. Dans le cas où un indicateur serait « l’attrition des talents », comment mesure-t-on cette fuite ? Dispose-t-on d’une liste de talents à conserver (une watchlist) ? Qui maintient cette liste ? Lorsque l’on parle de « time-to-market » : dispose-t-on d’une mesure actuelle ? Est-elle facile à suivre ?

 3- CHOISIR LA BONNE FREQUENCE DE MISE A JOUR POUR NE PAS REAGIR (TROP) A POSTERIORI

Piloter une voiture si l’indicateur de vitesse ne se met à jour que toutes les 2 minutes peut s’avérer impossible (surtout si l’on veut éviter les dépassements de vitesse). La fréquence de mise à jour de votre tableau de bord doit s’adapter à la temporalité de votre projet, une évidence qui n’en est pas une… tant une fois le projet lancé les équipes sont focalisées sur des actions terrain et moins sur la mesure de la situation. C’est donc un équilibre à définir entre l’effort à développer (et donc le temps passé) pour mettre à jour l’indicateur et sa pertinence lorsque celui-ci est disponible.

Dans cet esprit de pilotage, si certains indicateurs ne sont mesurables qu’en phase finale de votre projet (par exemple, la mise en place d’un nouveau SI…dont les résultats ne sont effectivement mesurés qu’après son déploiement) il est nécessaire de définir des indicateurs intermédiaires, portant généralement sur le « comment » (% migration des données, % avancement des formations, etc.).

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Les bons indicateurs de la transformation sont ceux qui vous permettent de prendre des décisions et agir en « temps réel » selon l’évolution de la situation.

RESTER ATTENTIF AUX SIGNAUX DU TERRAIN

Loin d’opposer les indicateurs « objectifs » et les signaux issus du terrain nous les considérons comme complémentaires. Que sont ces signaux issus du terrain ? :

  • Des échanges avec les Organisations Syndicales, des représentants du personnel,
  • Le feedback de managers, de salariés,
  • Certaines formes d’absentéisme,
  • Les conversations autour de la machine à café,
  • Les échanges sur le réseau social interne de l’entreprise,
  • Des questions remontées en point d’équipe,
  • Des appels entrants de partenaires, de clients,
  • Etc.

Les signaux du terrain, même s’ils sont généralement subjectifs, constituent un excellent complément – sans pour autant remplacer –  votre tableau de bord, ils présentent plusieurs intérêts :

  • Ils peuvent remonter très rapidement et vous permettent de suivre l’évolution « en direct »
  • Même s’ils sont subjectifs ou partiels, ils peuvent annoncer des évolutions de fonds
  • Ils valorisent l’expression et les échanges au sein de votre organisation… mieux vaut parler d’une bonne nouvelle ou d’un problème plutôt que ne rien dire.
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Les signaux issus du terrain constituent un excellent complément – sans pour autant remplacer-  votre tableau de bord

En résumé

En définissant les indicateurs de votre transformation vous disposez d’une boussole qui vous permettra de vous situer sur la route définie pour atteindre la cible souhaitée.

Une démarche qui semble évidente sur le papier mais qui peut présenter différents challenges :
– savoir se projeter sur un horizon « lointain »
– définir les indicateurs « essentiels »
– penser à toutes les implications (business, people, process, clients…) de votre projet
– rendre « mesurables » des éléments qui a priori le sont difficilement (engagement, transversalité…).

Dit autrement, c’est une étape nécessaire pour faire passer votre projet de transformation du format PPT à la réalité. Le bénéfice immédiat d’une telle approche est de rendre votre projet tangible 

Pour ce faire, de multiples approches sont possibles et la confrontation des points de vue (Directions, Métiers) permettra de définir le bon bouquet d’indicateurs (pertinents, accessibles, fréquents) pour piloter au mieux votre projet.

(1) https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/strategie-du-projet-lateral-comment-reussir-changement-quand-forces-0
(2) https://antrop.fr/suivez-le-pouls-de-votre-transformation/
(3) https://www.institutdelasociodynamique.com/
(4) https://antrop.fr/la-memoire-du-futur/

 

 

A propos des auteurs

Jean-Marc

Consultant en excellence opérationnelle, agilité et accompagnement des transformations. Ingénieur centralien, Master Black Belt Six Sigma, il a rajouté plusieurs cordes à son arc (coaching, co-développement professionnel, Agilité, Design Thinking). Il est également administrateur de l’Institut de Sociodynamique.

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